Les tests psy du concours d'entrée

Au sommaire de cette page, l'article sur les tests psy paru dans J'essaime, et la synthèse du sondage sur les tests psy, sur lequel s'appuie notre analyse!

A l'ENM, moins on est de fous, plus on rit!


Depuis application de la réforme du 31 décembre 2008, une nouvelle épreuve a été introduite au concours d’entrée à l’ENM: des test psychologiques.
Ces tests, qui se décomposent en deux phases : une « épreuve » écrite et un oral qui la prolonge, ont, dès leur évocation, suscité les plus vives inquiétudes dans le milieu judiciaire. Les magistrats s’y sont vivement opposés en particulier au travers d’institutions syndicales ou associatives.1

Ces tests font aujourd’hui pourtant partie des épreuves d’admission : les auditeurs des promotions 2010, 2011 et les futurs auditeurs de la promotion 2012 sont concernés.
Mais pourquoi?


Des objectifs douteux

Ces tests, lorsqu’ils ont été élaborés (suite à l’affaire d’Outreau et en réponse aux invectives des médias contre l’ « inhumanité » des magistrats), avaient pour prétention de détecter ceux des admissibles qui seraient « très rigides, très persécuteurs, très dépressifs et qui, par conséquent, auront beaucoup de difficultés d’adaptation en juridiction. »2

Force est de constater que les expériences diverses que chacun d’entre nous a pu avoir durant l’entretien oral ainsi que les réactions suscitées par le contenu même des avis permettent de remettre en question la pertinence de ces tests au regard de ces objectifs.


Une utilité à démontrer

Lors de la rédaction de son rapport annuel, le jury d’admission a par ailleurs eu l’occasion de souligner le fait que tant pour la session 2009 que pour la session 2010 du concours, les avis n’étaient pris en considération que de façon très marginale.
Ainsi :
- Seul le président du jury en prend connaissance avant le passage du grand oral.
- Il en donne connaissance aux autres membres après la décision sur la note du candidat.
- Le jury n’a jusqu’à présent pas utilisé la possibilité qui lui était faite de demander un contre avis (alors même qu’il soulignait en 2009 la rédaction quelque peu malheureuse de certains de ces avis).
- Jusqu’à présent ces avis n’ont eu aucun impact sur la note finale impartie au candidat. En effet, selon le rapport :
- soit l’avis constituait un apport mineur par rapport à l’observation de la prestation du candidat (« constatations banales déjà faites lors de la mise en situation et de l'entretien »),
- soit le candidat avait lors de sa prestation démontré des qualités contraires aux reproches contenus dans l’avis (!) 3

Précisons par ailleurs que si les tests sont imposés aux candidats des trois concours d’entrée, les auditeurs recrutés au titre de l’article 18-1 de l’ordonnance de 1958 n’y sont, eux, pas confrontés!

Il n’est donc aujourd’hui pas inutile de s’interroger sur l’apport de ces tests dans le cadre du recrutement par rapport aux coûts qu’elle induit et au personnel qu’elle mobilise.


Des expériences douloureuses

Beaucoup de candidat-e-s au concours ont par ailleurs eu à expérimenter des entretiens désagréables, des questions parfois sans rapport avec l’objectif de recrutement voire insultantes ou intrusives, des réflexions blessantes ou dégradantes.

D’autres ont eu la mauvaise surprise de se voir opposer des réserves sous la forme d’un formulaire « à cocher » suivi parfois de motivations dépréciatives ou révélant le peu de fiabilité des dits tests (contradiction totale de l’avis d’une année sur l’autre, contradiction entre un avis et un contre avis).


Alors, que faire de ces tests?

S’il a été jugé bon d’introduire une telle épreuve malgré l’opposition des magistrats il y a 3 ans, il n’est aujourd’hui pas trop tard pour tenter de faire supprimer ces tests qui représentent une perte de temps et d’argent mais constituent surtout une épreuve déstabilisante dans un contexte ou le stress n’a rien d’une pathologie rédhibitoire.

Le recul de ces deux dernières années légitime aujourd’hui une action en vue de cette suppression. La section du syndicat de la magistrature des auditeurs a donc décidé d’ouvrir le débat autour de ces tests dans cet objectif.

Nous vous invitons donc à nous fournir vos témoignages (qui pourront être anonymes) sur la façon dont vous avez vécu cette épreuve (que l’expérience soit bonne ou mauvaise).

La compilation des avis, dont le résultat sera transmis à la direction mais aussi communiqué au CSM, devrait donner lieu à une restitution au cours de la scolarité dans le cadre d’une table ronde suivie d'un débat.

Au cours de la semaine du 5 octobre, la section du SM à l'ENM se tiendra à la disposition des auditeurs pour répondre aux éventuelles interrogations mais aussi pour entendre les observations diverses que pourraient susciter cette action.
Rdv mercredi 5 octobre à 12h15 et vendredi 7 octobre à 12h15 devant le Grand Amphi.




1 - « Ecole nationale de la magistrature : une réforme dangereuse », communiqué de presse du Syndicat de la magistrature du 13 juin 2008 (http://www.syndicat-magistrature.org/Ecole-nationale-de-la-magistrature.html)
- « Réflexions sur les tests psychologiques et de personnalité », Conseil d’administration de l’Association des jeunes magistrats (http://www.jeunesmagistrats.fr/v2/Reflexions-sur-les-tests.html)
- « Rachida DATI, une justice saccagée » par Christophe REGNARD, président de l’Union syndicale des magistrats, p. 15 (http://usm2000.free.fr/IMG/pdf/Les_30_reformes_de_Rachida_DATI_vues_par_l_USM.pdf )

3 Rapport du jury pour la cession 2010 des concours, p. 12  : (http://www.enm.justice.fr/_uses/lib/5778/rapport_pdt_jury_concours2010.pdf)


SYNTHESE DU SONDAGE SUR LES TESTS PSYS


 Les réponses traitées ci-dessous proviennent ainsi de 54 formulaires recueillis auprès d'auditeurs de la promotion 2011 - dont certains ont également fait part de leurs expériences précédentes (sessions  2009 ou 2010). L'opinion des admissibles n'a pas pu être prise en compte.

Le nombre entre parenthèses correspondent aux occurrences relevées dans les questionnaires.
Quelles sont vos impressions générales sur le déroulement de l’entretien ?

- déstabilisant, assez désagréable, stressant , hostile, désobligeant, difficile (14),
dont
- sentiment d'agression (5)
- pas d'écoute, parti pris du psy (5)
- catastrophique (1)
- déplacé (1)
- bonne impression d'ensemble,   bon déroulement, détendu- convivial (38)
dont:
- comme un entretien de motivation (5)
- discussion de café, artificiel (2)
- pas de réponse (1)
Quels ont été les rôles et positions respectifs des magistrat et psychologue durant l’entretien?

- Psychologue actif – magistrat moins impliqué voire taisant (19)
- Magistrat actif – animateur (6)
- Rôles équilibrés  (10)
Vous a-t-on posé des questions particulièrement intrusives sur votre vie privée ? Si oui lesquelles ?

- sur santé mentale  du candidat (2)
- sur enfance et  histoire familiale (6) Ex: décès d'un parent/ divorce du parent
- sur santé mentale de la mère (1)
- sur incompatibilité de la personnalité avec la fonction de magistrat  (3)
- sur vie amoureuse et sexuelle (1)
Vous a-t-on posé des questions susceptibles d’être le support de discriminations (origine ethnique, orientation sexuelle, grossesse, etc…) ? Si oui lesquelles ?

- sur origines étrangères (2)
- sur origines sociales (5)
- sur origine géographie (1)
D’autres questions, remarques ou attitudes vous ont-elles semblé déplacées ou choquantes ? Si oui, lesquelles ?

- « vous considérez vous comme nonchalante? Notamment eu égard à la nonchalance culturelle des martiniquais? »
 « pourquoi n'assumez vous pas votre barbe »
- avez vous des amis? Et combien? (3)  / qu'est ce que vos amis pensent de vous? (1)/ qui sont vos amis? Que faites vous avec eux? (1)
- « parlez vous à votre chat? »(1)
- « comment la distance géographique au sein de votre couple s'est elle décidée? »/(1) / sur séparation avec conjoint (2)
- « comment pouvez vous être un  bonne mère en vivant seule avec un enfant et en voulant embrasser la carrière de magistrat en même temps? »
-  « vous ne serez pas heureuse en tant que magistrate, vous ne réalisez pas les difficultés » (1)/  « vous ne connaissez rien à la magistrature » (1)
- «  pourquoi n'avez vous parlé de votre père » (1)
- « pourquoi voulez vous travailler alors que vous venez d'un milieu aisé? »(1)
- « vous n'avez pas l'air heureuse, prouvez moi en 10 minutes que vous êtes heureuse »(1)
- « êtes vous souvent malade? »
- « vous ferez une excellente magistrate »
- sur le parcours à la fac trop théorique du candidat  (M2 recherche en droit social) et trop éloigné du métier de magistrat 
- sur le fait d'être boursière à l'université
-  sur le  rythme de vie du candidat trop lent, trop tranquille 
- idée type sur personnalité à partir des tests écrits, entretien que pour confirmer la thèse (2)
Avez-vous refusé de répondre à certaines de ces questions ? Si oui, quelle a été la réaction du jury ? Si non, quelle attitude avez-vous adoptée ?

- sur les enfants du candidat
Quelle est votre impression générale sur l’avis rédigé ?

- s'appliquerait à n'importe quel candidat  (1)
- impression de copier/coller qui ne reflète pas ma personnalité (5)
- malhonnête, (1)
- hâtive pour 20 min d'entretien (1)
- excessif (1)
Votre avis contenait il des commentaires ou observations ? Si oui, pouvez-vous nous en retranscrire le contenu ?

·                 Avis rédigés de façon dépréciative 
« diagnostic psychiatrique, paraît submergeable, trop dans l'émotion, dépressive, suivi envisagé »
« tendance à la grégarité, manque de confiance en autrui et peu à l'écoute ».
« jeune fille en manque d'étayage, sans empathie , discordance entre attitude corporelle et thématiques abordées»
«trop neutre »
« tendance à la compliance. Agressivité inhibée, manque de source vive ». 
« très assurée d'elle-même, ne parvient pas à se reconnaître dans les facettes du test, peu compatible avec les fonctions de magistrat, utilise des arguments d'autorité (« mes états de services prouvent que.. ») pour prouver des qualités dont le test ne fait pas état . Relation qui s'amorce dans le charme jusqu'à ce que ses compétences soient remises en question où  elle adopte une position de toute puissance»
« absence de sens du devoir, d'ordre, de droiture et impulsivité hors norme »
« candidate trop abstraite et théorique »
« personnalité attachante mais a vécu des choses difficiles dans son enfance qui ont provoqué la mise en place de défense -dont elle a conscience- mais qui sont incompatibles avec la fonction de magistrat: grégarité, compliance, agressivité hors norme. Orientation de métier très problématique. Est en thérapie depuis très longtemps ».
·                 Avis rédigés de façon favorable
 « calme et posée »
«candidate ouverte, agréable, conversation cohérente. Par contre nous avons été étonnés de la note obtenue au test n°1 où la candidate se situe au niveau zéro »
«  sérieux sans se prendre au sérieux. Bonne aptitude à observer son comportement »
« bonne capacité intellectuelle »
« jeune fille en proie au stress, stress qui pourrait nuire à la capacité de décider. Capacité qui existe par ailleurs. »
« grande intelligence et grande motivation quant à la profession de magistrat »
 « belle maturité et réflexion sur ses motivations, malgré un côté très posé »
- «bon esprit d'équipe, a conscience des compétences à acquérir »
Avez-vous demandé un contre avis ? Si oui a-t-il confirmé le premier ?

- Oui (2)
dont
confirmation partielle (1)
infirmation (1)
Observations diverses sur entretien psy

A passé des entretiens deux années différentes et entretiens très différents (3)
Le grand oral

- Très bien passé globalement 
- mal passé (2)
observation:  question sur simulation de la maladie du candidat